Tour du monde des pays où le BIM est obligatoire

L’évolution de l’industrie de la construction sur les marchés publics

Définition

Avant toute chose, il faut comprendre que le BIM est utilisé aussi bien dans les marchés publics que privés c’est pourquoi avant de commencer, voici une définition de ce qu’est un marché public et ce qu’est un marché privé.

On parle de marché public lorsqu’une autorité publique ou une entreprise assujettie au droit des marchés publics passe un contrat avec un soumissionnaire privé. Ces marchés sont régis par des procédures d’appel d’offres ouvertes, où les entreprises intéressées soumettent des offres concurrentielles en réponse aux spécifications et aux exigences établies par l’entité publique. Les projets de marché public sont, bien entendu, financés par des fonds publics et peuvent inclure la construction d’infrastructures routières, de réseaux d’eau et son traitement ainsi que tous types de bâtiments de la fonction publique.

Le marché privé, quant à lui, se réfère aux contrats de construction conclus entre des entités privées uniquement. Contrairement au marché public, les projets du marché privé sont financés par des investisseurs privés tels que des banques, caisses de pension ou des particuliers par exemple. Les contrats de construction dans le marché privé sont négociés directement entre les parties et peuvent faire l’objet d’un appel d’offres privé. Les projets de ce marché peuvent aller de la construction de simples maisons jusqu’à des complexes commerciaux en passant par des hôtels, installations industrielles, etc.
Il est important de noter que les différences entre le marché public et le marché privé vont au-delà des procédures d’appel d’offres et des sources de financement. Les réglementations, les exigences contractuelles, les délais, les contraintes budgétaires et les considérations de responsabilité peuvent également varier entre les deux marchés. Cet article traitera des marchés publics principalement.

Evolution

Avant l’arrivée des premiers outils numériques dans les années 70, le dessin d’un projet de construction était réalisé manuellement sur des calques à l’aide de Rotrings. Ceux-ci étaient donc très longs et fastidieux à faire et ne laissaient que très peu de place à l’erreur. Ces dernières peuvent être lourdes de conséquences et le travail du dessinateur demandait donc une grande concentration et une compétence accrue dans le domaine. En revanche, ils laissaient libre recours à la créativité de son dessinateur, sans aucune contrainte que nous connaissons aujourd’hui avec les logiciels.

Le projet était moins étudié en amont des travaux et une fois ceux-ci terminés, les documents réalisés ne servaient plus que d’archives. Ceux-ci étaient truffés d’incohérences avec l’ouvrage réellement construit et lors de rénovations ou agrandissement des années plus tard, ces erreurs conduisent à des retards et frais supplémentaires.

Les années 1970-1980 voient l’apparition des premiers programmes informatiques et notamment de la CAO. Ces prémices permettaient désormais de dessiner des plans de manière informatisée. A cette époque les outils étaient encore peu développés et il manquait encore de nombreuses fonctionnalités pour atteindre la liberté d’expression du dessin à la main. Ces nouvelles méthodes étaient encore très peu répandues, du moins en Europe ou le dessin à la main restera majoritaire encore quelques années. Dans le même temps viennent les premiers échanges par mails et autres moyens numériques. Vingt ans plus tard, ces outils seront démocratisés partout dans le monde et auront évolué pour permettre un gain de temps et une simplicité d’utilisation incomparable. Néanmoins, les incohérences entre les plans et la réalité ne sont pas rares et lors de modifications d’un bâtiment existant, il est presque factuel de trouver des différences, parfois ayant un impact majeur.

Durant les années 2000 c’est au tour des logiciels de modélisation 3D de faire leur apparition. L’utilisation de ces derniers ne fût pas instantanée et aujourd’hui encore une part non négligeable des projets se fait sans. Toutefois, ils permirent l’émergence du BIM et ces multiples applications telles que les plateformes de collaboration en ligne, les 7 dimensions, etc. En 2023, le BIM devient une réalité pour un grand nombre d’entreprises à l’aide notamment des premières réglementations des marchés publics appliquées depuis le courant des années 2010. De fait, cette avancée de la digitalisation est vouée à révolutionner le secteur de la construction tout comme elle a révolutionné le secteur de l’industrie par le passé.

L’intégration du BIM par les pouvoirs publics

Depuis la fin des années 2000, plusieurs réglementations ont été déployées dans différents pays dont certaines concernent l’adoption du BIM. Ces dernières varient d’un pays à l’autre, selon la maturité et la politique gouvernementale. Dans ce chapitre nous allons parler de quelques pays moteurs dans le domaine.

Aux Etats-Unis il n’y a actuellement pas de réglementation fédérale à ce sujet. La raison est qu’il n’y a pas d’agence unique régissant la construction des bâtiments du domaine public au sein du gouvernement mais des départements au niveau des Etats. Ainsi, des structures se sont créées pour encourager son utilisation ainsi que la digitalisation générale du secteur de la construction.

Certains organismes gouvernementaux en font usage, par exemple le USACE (United Sates Army Corps of Engineers) qui exige l’utilisation du BIM pour certains de ses projets de construction. Dans le domaine public, depuis 2018 le LACCD (Los Angeles Community College District) travaille en BIM sur tous ses grands projets.
Ainsi, chaque Etat et organisation a ses propres normes. En voici pour exemple le Wisconsin, qui depuis 2010 a rendu l’utilisation du BIM obligatoire pour tous les projets publics de plus de 5 millions de dollars ainsi que pour toutes les nouvelles constructions de plus de 2.5 millions de dollars.

L’Australie, qui possède un important secteur de la construction, a une approche particulière du BIM. En effet, l’étendu du pays implique des projets de taille et nécessitent donc l’utilisation du BIM pour en assurer le succès. Le Comité représentant les infrastructures du pays s’était réuni en 2016 pour demander au gouvernement Australien de mettre en place des mesures pour rendre le BIM obligatoire pour les projets de plus de 50 millions de dollars, mais rien n’avait été fait. Voyant encore une fois l’impact positif du BIM à travers le monde, en 2022 ce même comité exige cette fois-ci que des procédures soient mises en œuvre à l’échelle nationale. A l’heure actuelle aucune mesure n’a été adoptée. Néanmoins du côté du secteur privé, de plus en plus de projets voient le jour grâce au BIM ce qui devrait pousser les décideurs Australiens à agir en conséquence.

En Europe, la France a lancé le PTNB (Plan de Transition Numérique dans le Bâtiment) en 2015, qui visait à généraliser l’utilisation du BIM dans la construction d’ici à 2022. Le Plan BIM 2022 reprend la suite de ce plan de transition avec toujours comme objectif de généraliser l’utilisation du BIM.

L’Allemagne aussi a mis des processus en place depuis 2015, comme l’initiative Planen-Bauen 4.0 ayant pour but l’encouragement de l’utilisation du BIM pour les projets publics.

Depuis les débuts, les pays Scandinaves montrent un fort engagement et collaborent pour une intégration du BIM uniforme dans leurs pays respectifs. La Finlande fut le pays le plus avant-gardiste lorsqu’en 2007, elle décréta que tous les logiciels de conception devraient être compatibles IFC. En 2001 déjà, la société responsable des actifs immobiliers publics commença à promouvoir des projets en BIM et en 2007, elle le rendit obligatoire pour tous ses projets de plus de 2 millions d’euros.

Enfin l’Angleterre, est considérée comme leader mondial dans ce domaine. Si le Royaume-Uni n’a pas été le premier en matière de réglementation du BIM. En 2011, le gouvernement britannique a lancé la Construction Strategy 2011, exigeant l’utilisation du BIM pour tous les projets gouvernementaux. Le plan BIM a été mis en œuvre en plusieurs étapes, et depuis 2016, il est obligatoire d’utiliser le BIM de niveau 2 sur tous les projets gouvernementaux.

Au niveau international, quelques normes ont été élaborées pour l’intégration du BIM dont la norme ISO 19650 dans laquelle la PAS 1192 a été intégrée. La norme ISO 22057 concerne le développement durable dans le BIM. L’avancée du Royaume-Uni dans la réglementation fait qu’une grande partie des normes internationales sont basées sur le modèle britannique.

Que disent les réglementations locales Suisse

En 2017 l’OFCL (Office Fédéral des Constructions et de la Logistique suisse) a publié un rapport intitulé « Le Building Information Modeling (BIM) en Suisse ». Ce rapport reconnaît les avantages du BIM et recommande son utilisation progressive dans les projets de construction publics. Dans ce rapport, elle met également en évidence l’importance de l’interopérabilité entre les différents logiciels BIM. C’est dans ce contexte que la norme SIA 2051 « Modélisation des informations du bâtiment » voit le jour. En 2019 la SIA publiera également le Manuel BIM SIA qui fournit les directives et recommandations pour la construction suisse.

Vous l’aurez compris, la Suisse n’a pas d’obligation concernant l’utilisation du BIM. Néanmoins les organismes et les gros acteurs du secteur de la construction mettent peu à peu des choses en place. C’est le cas par exemple du canton de Genève, qui a ouvert récemment une plateforme pour permettre la dépose d’autorisations de construire sous format IFC en ligne. Autre exemple, les CFF ont pour objectif de débuter tous leurs nouveaux projets en BIM d’ici à fin 2024.

Ainsi, même si ce n’est pas encore le cas, il est plus que probable que la Suisse mette en place des réglementations au niveau fédéral dans les années à venir.

Quels horizons de développement pour les territoires

Les horizons de développement sont sensiblement les mêmes d’un pays à l’autre. En effet, si certains pays sont plus ou moins avancés comparé à d’autres, tous passent par les mêmes grandes étapes. Voici tout de même quelques axes de développement.

Les USA font des organismes gouvernementaux une priorité avec des infrastructures publiques qui devraient être construites en grande partie en BIM. Le développement durable en est une autre. En effet, la gestion avancée de la data qu’amène le BIM permet une meilleure gestion des quantités et une optimisation de l’enveloppe thermique, des éventuels systèmes de production d’électricité, de chaleur, etc.
La France quant à elle possède un système de formation au-dessus de ses voisins européens, avec de nombreuses écoles et diplômes spécialisés dans le BIM. Cela permet à la France de former du personnel hautement qualifié dans le secteur de la construction pour assurer la pérennité de l’avenir du BIM.

Le Royaume-Uni, seul pays à avoir rendu obligatoire le BIM de niveau 2 pour tous ses projets gouvernementaux, veut logiquement se tourner vers le dernier échelon actuel qu’est le BIM de niveau 3. Avec une généralisation du BIM de niveau 3 dans tout le pays, les Britanniques seraient non seulement les premiers à le faire, mais prendraient aussi une longueur d’avance considérable sur tous les autres pays leaders du domaine.
Pour la Suisse, les horizons de développement concernent désormais surtout la SIA. En effet la Société suisse des Ingénieurs et des Architectes régie la standardisation de toutes les normes de construction dans le pays. Avec une intégration complète du BIM dans ces normes, la SIA mettrait tous les cantons sur un pied d’égalité et ceux-ci pourraient ainsi croître plus vite et sereinement. Dans le même temps, le conseil fédéral devra certainement mettre en place des obligations sur les projets publics pour appuyer une montée en compétence des entreprises suisses.

Plus que la construction, d’autres secteurs d’activité s’intéressent de près au BIM, c’est le cas notamment du secteur spatial. Effectivement, si aujourd’hui c’est le secteur de la construction qui porte la grande majorité du BIM, certaines missions du secteur spatial peuvent y trouver des avantages non négligeables. C’est le cas notamment de la construction des infrastructures du domaine spatial sur terre et non terrestres. Ces infrastructures étant généralement d’une complexité sans équivalence, la création d’une maquette numérique collaborative y trouve totalement sa place. De plus, la gestion des données pour l’analyse de celles-ci sur des engins spatiaux ou même sur des équipements peut être un plus considérable. Enfin, la simulation de l’impact de l’environnement sur une structure ou tout autre élément se trouvant dans l’espace ou sur une autre planète, peut être réalisée grâce au BIM.

Les avantages et les inconvénients de cette stratégie pour un pays / canton

La mise en place du BIM offre de nombreux avantages que nous allons explorer ci-dessous. Cependant, il peut également y avoir des inconvénients. Bien que leur impact soit atténué à une échelle nationale, nous allons tout de même les examiner.

Parmi les principaux avantages, on compte notamment une meilleure visualisation dans l’espace et une meilleure gestion et planification du projet. Une économie en matériaux presque systématique grâce à la 5D. Une qualité de coordination technique sans précédent qui permet non seulement d’éviter de nombreuses erreurs de dessin et sur le chantier mais qui permet aussi de comprendre d’où vient l’erreur pour l’imputer au bon responsable.

Avec une connaissance parfaite du bâtiment en le modélisant en as-built, il est possible de gérer sa maintenance en toute tranquillité et de prévoir une meilleure gestion de la déconstruction dans les cas concernés et donc un plus haut taux de recyclage des déchets.

Enfin les plateformes collaboratives, si mises en place correctement permettent plus de transparence et de fluidité dans les échanges entre les différents mandataires.
Toute solution qui a ses avantages, a forcément ses inconvénients. Voici les quelques aspects qui pourraient être des freins à la mise en place du BIM.

Premièrement les coûts. Il faut voir le BIM comme un investissement. Forcément pour une petite entreprise ou un petit projet le montant calculé pour la mise en place du BIM peut paraître un surcoût inutile. Après tout, durant des décennies nous avons construit des bâtiments sans le BIM et la finalité était la même, à savoir que le bâtiment finissait par être construit tôt ou tard et d’une manière ou d’une autre. Mais si les bénéfices du BIM ne sont souvent pas directs, c’est qu’ils sont indirects. En effet, il s’agira principalement de dépenses imprévues et de surestimations de matériaux évitées, de gain de précision qui évite des imprévus qui sont une réalité des chantiers, etc.
Ensuite le besoin de personnel qualifié. Aujourd’hui, nombreuses sont les entreprises à la recherche de personnel qualifié dans le domaine du BIM et il est parfois compliqué de trouver les bonnes équipes pour mener à bien ses projets. Mais rassurez-vous, comme tout « nouveau » domaine il faut du temps pour former les futurs experts et donc si aujourd’hui il peut être encore compliqué de trouver du personnel qualifié, cela devrait s’améliorer dans les années à venir.

Enfin selon le projet, il se peut que le BIM y soit plus ou moins adapté. Dans le cadre de la construction d’une simple villa par exemple, étant donné la simplicité de la construction, il se peut que la mise en place de certaines applications du BIM soit peu rentable voir inutile. En revanche, dès que la taille du projet augmente, même dans le cas d’un groupe de petites villas, il devient alors intéressant de considérer sa mise en place.

Que faut-il retenir de tout ça ?

Pour conclure cet article, nous constatons une réelle augmentation du BIM en général. Les pouvoirs publics mettent de plus en plus de réglementations en place et quand ce n’est pas le cas de nombreux moyens d’encouragement voient le jour, que ce soit pour des projets publics comme des projets privés. L’Europe voit certains de ces pays prendre un vrai ascendant sur le reste du monde dans ce domaine et la Suisse, bien qu’un peu en retard, semble désormais étudier ses voisins pour mieux comprendre comment mettre en place sainement les éléments nécessaires à une construction plus digitale.

Enfin pour répondre à la thématique de base de cet article, en 2023 aucun pays n’a rendu le BIM totalement obligatoire. En revanche, des réglementations ont été créées rendant l’utilisation du BIM obligatoire pour certains types de projets dans les 11 pays que vous retrouverez dans la liste ci-dessous.

  • Le Royaume-Uni
  • Les Etats-Unis
  • La Norvège
  • La Finlande
  • Le Danemark
  • L’Espagne
  • L’Allemagne
  • La Russie
  • Singapour
  • La Corée du Sud
  • Le Qatar

 

Il est important de noter que cet article a été rédigé en juin 2023 et qu’il est fort probable que les choses aient changé au moment où vous lisez cet article.

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Thomas Boukhari
Thomas Boukhari est le CEO de Link-BIM, société spécialisée dans la digitalisation des bâtiments afin d’en proposer un rendu visible en 3D. Cette société innovante a pour but de faciliter et rendre accessible le BIM à tous les acteurs du bâtiment. Les services de la compagnie pensés pour les promoteurs, entreprises générales et totales, ingénieurs CVSE, ou architectes, vont du BIM management à la modélisation CEA et CET, du scan 3D au configurateur PPE en passant par de l’AMO BIM ou de la BIM coordination.

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